Wiki Creepypasta
Advertisement
Craiyon 002159 highway (1)

L’été marquait son début, la chaleur estivale s’éveillait d’un printemps qui fut bien maussade, les écoles avaient fermé leurs portes il y a peine deux jours. En bref, la période des grandes vacances venait tout juste de sonner ses cloches. Et mes parents étaient de ceux qui privilégiaient cette fin du mois de juin pour leur dépaysement sous le soleil méditerranéen.

C’était donc un dimanche soir, quand mes parents, moi et mon frère cadet avions pris la route en direction du sud avec six heures de trajet devant nous. Cela faisait déjà deux heures que nous étions partis, il était dix heures du soir à peu près et les derniers rayons du soleil luisaient faiblement à l’horizon. L’intérieur de la voiture était plongé dans un silence seulement parasité par le son continu des roues sur le bitume.

Je laissais mon regard se porter sur le paysage défilant, le front collé sur la surface froide de la vitre. Les champs se succédaient à tour de rôle, laissant place par moments à des bois ou bien à de petits villages flottants dans un océan de prairies. Je fus sur le point de m’assoupir devant toute cette monotonie, quand un bruit fort bruyant retentit.

En un instant, l’intérieur de la voiture se métamorphosa en un véritable concert, d’où jouaient les exclamations emplies d’angoisse de ma mère et mon frère. Mon père restait concentré du mieux qu’il le pouvait, s’efforçant à freiner le plus en douceur possible sous les cents kilomètres à l’heure, tout en se déportant légèrement sur la bande d’arrêt d’urgence.

Pour ma part, j’étais tout aussi surpris et effrayé par ce bruit soudain, jetant frénétiquement des regards dans toutes les directions, en quête de l’origine du son. Sans oublier, que je sentis tout le haut de mon corps se mouvoir vers l’avant en réponse au freinage continu qu’exerçait la voiture. Après deux interminables minutes, la voiture réussit finalement à s’immobiliser sur le bord de l’autoroute et le calme retomba de plus belle à l’intérieur.

Quelques secondes de silence complet s’écoulèrent, sans que personne ne daigne ouvrir sa bouche. Nous étions tous en train de réaliser à quel point nous avions frôlé le drame, et que la situation était maintenant bien embêtante.

« Bon... Restez bien à l’intérieur les enfants. » Nous demanda notre père avant de sortir de la voiture, suivi de ma mère qu’il imita.

Je vis leurs silhouettes faire le tour de la voiture en l’éxaminant sous tous ses angles, avec des commentaires par ci par là. Et puis un nom d’oiseau sorti brutalement du clapet de mon père, alors que celui-ci jetait un coup d’œil à l’arrière du véhicule. Un pneu arrière avait vraisemblablement crevé et en l’absence de roue de secours, il nous fallait avoir recours à une dépanneuse.

Prenant les devants face à cet imprévu, mon père prit la décision de partir à la recherche de la borne d’arrêt d’urgence la plus proche, laissant la tâche ingrate de veiller sur nous à mère. Il prit grand soin de nous rassurer, promettant que ça ne durerait qu’une dizaine de minutes tout au plus et qu’il serait très vite de retour. Puis nous l’arpecûmes alors escalader la glissière de sécurité et se diriger au loin en longeant cette dernière. Puis comme l’autoroute tournait légèrement sur la droite, naturellement sa silhouette disparut derrière la végétation qui bordait la voie.


Ainsi nous n’étions plus que tous les trois à attendre dans la voiture, les portes ouvertes pour aérer, avec en fond, le son régulier des voitures qui passaient sur l’autoroute.

Dans la lassitude, l’envie de me dégourdir les jambes se fit furieusement sentir. Après l’avoir quémandé, ma mère m’autorisa à faire quelques pas dans le coin derrière la glissière.

Alors, après avoir escaladé non sans mal la rampe métallique, je foulais le sol du petit espace herbeux qui séparait l’autoroute de l’orée d’une forêt. Devant moi, se tenaient ces grands arbres qui formaient la lisière du bois, puis juste derrière eux il y régnait une profonde obscurité qui donnait au lieu une allure lugubre. Le néant était elle, qu’en portant le regard au loin des formes en étaient à peine discernable.

A la seconde où j’y avais posé le regard, mon esprit fut intrigué devant cette présence sinistre et curieuse qu’incarnait cette simple bordure de forêt.

Je me surpris à fixer ce vide pendant de longues secondes, m’imaginant une panoplie de créatures vivantes au fond de ces bois, de même que l’idée qu’une surgisse de l’ombre pour bondir sur moi ne m’effleura pas l’esprit.

Puis quand la curiosité fut à son comble, la possibilité d’une petite excursion forestière nocturne commença à germer en moi. Et ce malgré la crainte que m’inspirait cet endroit sur le moment, mais cette recherche de courage dont on fait preuve à cet âge en avait eu raison. Surtout à partir du moment où, par un regard au-dessus de mon épaule, je m’aperçus que ma mère s’était assoupie, le flanc de la tête reposé sur le dossier du siège et les jambes tendues en dehors de la voiture.


Décidé, c’est guidé par la fonction lampe de mon téléphone, que je fis mes premiers pas en direction de la forêt. Après avoir franchi les premiers arbres, le faisceau de lumière dévoila une scène forestière des plus communes, des arbres parsemés par centaines qui s’étendaient à perte de vue, au sol jonchait un tapis de feuilles mortes qui jouait du coude avec des branches de lierre, puis des ifs et des houx de taille modeste qui venaient compléter certains recoins.

A partir de là, je me mis à errer sans but précis, balayant l’environnement de ma lumière, comme si j’avais égaré quelque chose. Je divaguais de gauche à droite, découvrant les fourrés environnants, tout en tâchant de ne pas m’enfoncer trop dans les bois non plus.

Puis en provenance d’une zone buissonneuse sur ma droite, des bruits vinrent se démarquer du chant des grillons. C’était le même bruit que le branchage qu’on casse et retourne quand on tente de s’immerger au cœur d’un épais buisson. Je pouvais aussi entendre des feuilles mortes craquer.


Tout laissé présumer à un petit animal se frayant un chemin à travers la végétation. C’est sur cette dernière déduction que je m’empressa d’aller jeter un coup d’œil dans l’espoir de pouvoir y apercevoir le causeur de tout ce raffut. Une fois arrivé devant les broussailles d’où provenaient les agitations, c’est à l’aide de ma seule main de libre que j’écartais la végétation alors que l’autre éclairait celle-ci, en empoignant mon téléphone.

Jetant le regard à travers la ramure, je ne vis rien d’anormal dans un premier temps. C’est alors que j’aperçus des branches se mettre à bouger à l’opposé du buisson, et ce qui tout de suite m’interpella était le fait que celles-ci étaient situées à mon niveau. Or aucun animal commun de la région ne fait une taille pareille, j’aurais pu rationnaliser sur l’idée qu’un renard tentait juste d’atteindre un fruit en hauteur, levé sur ses deux pattes arrières. Mais je fus pris de court lorsque j’entraperçus avec épouvante, ce qui semblait être les traits d’un visage me fixant à travers l’amas de feuillage.


En un instant, une terreur soudaine me submergea. Paniqué, je fis quelques pas en arrière par réflexe. Mais à mon grand malheur, mon talon vint se buter contre une racine, me faisant tomber en arrière. Je me retrouvais dès lors dos au sol, à la merci de n’importe ce que cette chose pouvait être. Pour ne rien arranger, lors de la chute mon téléphone m’était glissé de la main et était tombé avec le côté lumineux au sol, par conséquent j’étais plongé dans l’obscurité la plus totale.

Alors que je balayais le néant du regard à la recherche de la lueur qui émanait de l’écran de mon téléphone, une certaine agitation se fit entendre en direction des buissons juste en face. Ce qui eut le don de redoubler mon anxiété.

Puis quand finalement je perçus la faible lumière de l’écran du smartphone et mis la main dessus, je pus enfin dévoiler ce qui se tramait devant moi... Et c’est avec horreur que je découvris cette chose cadavérique sortir des buissons dans un élan de lenteur, puis venir se tenir devant ma personne impuissante allongée au sol.

Ce qui me faisait face possédait un corps frêle et creusé par de multiples rides, des baguettes tremblotantes recouvertes d’une fine couche de peau en guise de membres, un visage ovale ornementé d’un nez crochu et d’un menton pointu. Ainsi qu’une petite touffe de fils grisâtre qui lui faisait office de chevelure.

Bizarrement, pas un son n’émettait d’elle, ni même un halètement ou une simple respiration, absolument rien...

Aussi elle me fixait à travers une paire de petits globes oculaires dont étrangement je n’arrivais à déceler la couleur, peut-être était-ce dû aux reflets causés par la lumière que je projetais sur sa figure.

Peu importe, sur le moment j’étais plus pétrifié à l’idée que cette personne (car oui appelons un chat un chat) pouvait me bondir dessus pour entreprendre je ne sais quel maléfice sur moi. Cette scène dura bien pendant trente bonnes secondes, trente secondes durant lesquelles nous nous demeurâmes tout deux silencieux, nos regards divagants l’un dans l’autre.

Jusqu’à ce qu’un son perçant s’éleva loin derrière moi, en direction de l’autoroute. Qui fut de suite succédé par un vacarme d’une violence inouïe, où je pus reconnaître des bruits métalliques parmi une multitude d’autres sons.


Sur le moment, mes réflexes avaient pris le dessus sur la crainte que m’inspirait la créature, et je ne pu m’empêcher de me retourner, interrompant alors notre éternel échange de regard.

La distance que j’avais parcouru et l’obscurité ne me permettait pas d’avoir une bonne vue d’ensemble de l’autoroute, et donc je ne pu identifier la raison d’un tel boucan sur le moment. Même en faisant usage de la lampe de mon téléphone, qui n’était pas assez puissante pour persister à cette portée.

Soudainement, un bruit minime fit irruption très proche de moi, exactement là où se tenait la créature.

Je me retournai donc pour refaire face à cet être étrange, sauf que je me retrouvai face à rien d’autre que l’obscurité nocturne dans laquelle se dessinaient les silhouettes des végétaux.

Cette créature s’était intégralement volatilisée pendant la dizaine de secondes, ou je lui avais détourné le regard.

Mais je n’eus le temps de m’interroger sur l’étrange expérience dont j’avais été témoin, quand des fragments de voix s’élevèrent en direction du réseau routier.


Puis parmi toutes ces exclamations, je pus entendre ce qui semblait être un cri féminin se démarquant.

Compte tenu du vacarme sonore qui avait tout juste précédé, la situation semblait pour le moins dramatique. Tout en sachant que la voiture dans laquelle reposaient ma mère et mon frère, était garée là-bas, à l’entrée d’un léger virage qui plus est.

Ainsi une nouvelle source d’inquiétude venait en ensevelir une autre, et c’est dans la précipitation que je me mis sur mes deux pieds avant d’entamer une course en direction des chalutages.


Sortant de l’orée de la forêt, c’est avec horreur que je constatais que ce que j’avais craint le pire s’était déroulé.

La voiture s’était faite rentrer de par derrière de plein fouet, par un autre conducteur. Des tonnes de débris figuraient là, éparpillés sur le bitume, autour des deux véhicules accidentés. Aussi y avait-il une dizaine de personnes qui s’étaient arrêtés, errant sur le site à la recherche d’une aide à apporter.

Mon premier réflexe fut bien sûr d’aller immédiatement vérifier si mon entourage était sain et sauf.

Dans la nervosité, je rejoignis alors notre voiture, qui, due à la violence du choc s’était déportée sur une distance d’au moins trente mètres par rapport à sa position initiale.

Là-bas, se dévoila, devant la voiture, deux personnes (dont la silhouette de mon père que je reconnus presque immédiatement), qui fussent accroupies autour d’une autre qui demeurait immobile au sol, et qu’on avait vraisemblablement mise en position latérale de sécurité.


Très vite, il s’avéra que cette dernière ne soit ni plus ni moins que ma mère, et quelle ne fut pas mon soulagement quand j’ai réalisé qu’elle était consciente.

Oui, je l’entendais échanger quelques paroles avec mon père, mais sur un ton très bas qui s’apparentaient plus à des chuchotements.

Puis quand mon père constata ma présence, il ne put se retenir d’exprimer un énorme soulagement, et je vis ma mère qui, malgré le fait qu’elle était dans l’impossibilité de mouvoir sa tête par précaution, se mit à arborer un grand sourire à son tour.


Ne voyant pas signe de mon frère parmi le petit monde qui avait envahi les lieux, j’interrogeai mon paternel sur ce qu’il lui était advenu, craignant une nouvelle fois d’avoir à affronter le pire.

Finalement, il me rassura que rien de grave ne lui était arrivé si ce n’est quelques blessures superficielles, et qu’il était à ce moment, pris en charge par des bonnes gens qui possédaient une trousse de secours dans leur voiture.

Il me rassura également concernant l’état de ma mère, qui n’avait finalement que quelques légères fractures supposées au niveau des jambes, après avoir été examiné par cette deuxième personne présente à nos côtés, qui de bonne grâce se trouvait être un médecin en congé.


Au final, les secours vinrent, ma mère et mon frère furent pris en charge dans un hôpital de la région, afin de passer de plus amples examens, qui finalement ne dévoileront rien de sévère, à part une légère fracture de la jambe pour ma mère.

Les médecins s’appuyaient à dire qu’il et elle avaient été sous une très bonne étoile cette soirée-là.

Concernant l’autre conducteur, les choses eurent une tournure beaucoup plus dramatique pour sa personne. De ce que l’on nous avait dit, la brutalité du choc lui avait fracturé les vertèbres cervicales, le réduisant par conséquent à un destin des plus mélancolique, à savoir la tétraplégie.

On ne sut jamais réellement pourquoi et comment il perdit le contrôle de son véhicule, la police l’avait soumis à un contrôle d’alcoolémie quand son état s’était stabilisé à l’hôpital, rien, le néant...

Les interrogations eurent un résultat presque semblable, dans le sens où l’homme ne pu donner d’explications rationnelles sur cette perte de contrôle subite...

A part un détail, aussi éphémère soit-il, mais qu’il s’obstina à répéter aux policiers sur son lit d’hôpital. Selon lui «  La vision d’une vieille personne, intégralement nue, se tenant juste derrière la glissière de sécurité » lui serait apparue juste avant le début du drame. Evidemment pour tout le monde, cela parut n’être ni plus ni moins, que le fruit des séquelles psychologiques découlant d’un violent accident Personne ne prit cela au sérieux, compte tenu de l’absurdité que pouvait susciter une telle scène rien qu’en l’imaginant.


Sauf en ce qui me concernait, moi qui avait été aussi témoin d’une personne correspondant à une description similaire, un peu plus tôt avant les faits.

Ainsi, aussitôt que ce détail vint jusqu’à mon oreille, un torrent de questions me submergea, ce qui eut l’effet de raviver cette expérience, que j’avais un peu près réussi à oublier, encore préoccupé par l’accident qui s’en était suivi. Mais je persistais sur le fait d’être le plus rationnelle possible, et aussi m’étais-je persuadé que cela n’avait jamais eu lieu, n’étant simplement que l’objet d’une hallucination due à la fatigue.

Et donc le temps passa, les jours s’écoulèrent, et il en fut de même pour les mois, puis trois années défilèrent à leur tour...


Jusqu’à cette soirée d’hiver, où mon père s’était décidé à encaisser son récent divorce avec ma mère, à travers la bière bon marché. Il était tard, mon frère et moi étions dans nos chambres respectives. Et bientôt, je ressentis le besoin d’aller aux toilettes, je sortis alors de ma chambre, puis c’est en traversant le salon que j’aperçus mon père. Il demeurait là, affalé dans les abysses du canapé, la mine complétement éteinte, le regard fixé sur trois cannettes de bières posées là sur la table basse qui lui faisait face.

J’avais presque atteint la poignée des toilettes, quand il m’interpella d’une voix qui avait peine à articuler. Il m’invita à s’asseoir à ses côtés, et nous parlâmes de sujets divers et variés... Le gros de nos échanges n’eut pas d’intérêt pour cette histoire, jusqu’au moment où la discussion vint au sujet de cet accident arrivé trois ans plus tôt. Dans un premier temps, il se demanda si je m’en rappelais, « bien sûr » lui répondis-je. Et puis, succédant à un moment de silence, il m’avoua quelque chose, chose que j’aurais préféré ne jamais entendre.

Voici ce que furent ses mots :

« Aussi étrange que cela puisse être, je suis certain d’avoir vu ce truc... Juste avant qu’on ait crevé un pneu... Ca se tenait là, sur bord de l’autoroute... Une... Une vielle dame... Complètement dénudée... ».

Advertisement